Le monopole (du grec monos signifiant « un » et polein
signifiant « vendre ») est, au sens strict, une situation dans laquelle un
offreur a l'exclusivité sur un produit ou un service donné à une multitude
d’acheteurs.1
Dans la culture populaire, le monopole est associé aux
combats menés pour les démanteler. Ces monopoles étaient souvent liés aux
économies d’échelle « évidentes » : on ne va pas faire deux
réseaux de distribution d’eau (monopole « naturel »). La théorie
économique a longtemps débattu sur leur bienfait global, avec des théories
célèbres comme le monopole contestable, théorie développée à l'occasion du
procès anti trust Bell. Pour autant, certains monopoles ont existés très longtemps
sans apparaitre comme néfastes : c'étaient essentiellement des monopoles
d'infrastructures, souvent liés une volonté politique : train, route,
électricité, télécommunication, …
La fin des monopoles naturels
Les évolutions récentes ont mis fin à la plupart de
ces monopoles par voies légales ou économiques. Certains demeurent, notamment
au niveau des infrastructures (boucle locale, transport de l'électricité,
chemins de fer). Mais même dans les
infrastructures de télécommunication, la concurrence est presque partout:
l'accès au client final (boucle locale en cuivre) n'est plus monopolistique
grâce à la radio (WIMAX, satellite, ...), la fibre ou le câble. Par ailleurs,
les réseaux mobiles et les infrastructures lourdes ("backbone") ont
montré que le monopole n'avait pas de sens économiquement, car il y avait la
place pour une multiplication des infrastructures.
Le monopole "naturel" ne semble donc pas
avoir la cote aujourd'hui... Mais en même temps, le monopole investit d’autres
domaines, prenant de nouvelles formes, que nous allons essayer de décrypter.
Par exemple, le monopole de standard.
Dans les technologies, la guerre fait rage pour
l'emporter, et le perdant perd en général tout: PAL contre SECAM, Blu Ray contre DVD HD, etc. C'est le monopole
"naturel" actuel, qui semble irrésistible. Les tentatives d'imposer
un format "propriétaire" au bénéfice d'une position forte se sont
généralement soldés par des échecs, comme
Sony avec sa Memory Stick face à la Carte SD. Seul Apple y arrive plus
ou moins, avec Firewire par exemple.
L’émergence des nouveaux monopoles numériques
L’apparition d’internet et le basculement vers
une société de l’information ont fait évoluer cette notion de monopole : de
nouveaux systèmes monopolistiques apparaissent, plus flous. Nous les avons
classés du plus « réel »au plus virtuel.
1.
monopole de plateforme
2.
monopole d'ergonomie
3.
monopole de réseau
(social)
4.
monopole de
recommandation
1.
Monopole de plateforme
C'est
le monopole de standard, renforcé par un écosystème massif et captif. Le Système
d'exploitation informatique (OS : Windows, Mac iOS, Android ; Linux…)
en est l’archétype. Les développements réalisés en surcouche constituent un tel
investissement, de la part de développeurs et des clients, que changer n’est
quasiment plus possible, et qu’il n’y a pas de place pour de nombreux acteurs. Microsoft
a l'a exploité avec génie, avec son système d'exploitation (DOS puis Windows)
et ses logiciels (Office). C'est un monopole de compatibilité: un fichier Excel
peut être lu par le plus grand nombre; et
le fait de l’utiliser me garantit que mon modèle pourra être compris par tout
le monde. Adobe a de son côté réussi à imposer son format Acrobat (pdf) et
aussi Photoshop et Illustrator dans la création graphique. Les concurrents n'arrivent pas à rivaliser;
vous devez pouvoir lire un pdf, psd
ou ai (abréviations respectives de ces formats) pour être crédible. La guerre
est (encore) ouverte à propos de Flash, mais sa relative lourdeur, la
résistance d'Apple sur les mobiles et l'émergence du HTML 5 semble sonner
doucement son glas. Ce format web, ainsi que des formats d’échange (XML…) feront-ils
disparaitre cette forme de monopole? On nous promet depuis un certain temps que
la surcouche "web" et que le "cloud" permettront de lire
tout et n'importe quoi à partir de n'importe quel poste doté d'un navigateur
web à jours. Cependant, il n’y a qu’à voir l’écart entre la version Windows et
Mac d’Excel pour se dire que ce rêve est encore loin de la réalité, et déjà mis
à mal par les nouvelles plateformes web (Cf. 3).
2.
Monopole d'ergonomie
Il est
plus souple que le précédent, mais néanmoins plus puissant. Même si un logiciel
peut lire le format Photoshop, l’investissement en formation est tel que j’ai
intérêt à passer mes heures à me former au "standard" : ma
valeur en sera augmentée. Le coût d'un logiciel est finalement faible par
rapport au temps nécessaire à le maitriser, et choisir un outsider cantonne
généralement à un usage basique. Et si la compatibilité de plateforme est
contournable techniquement, la double formation ne l’est pas. Le gain progresse
très rapidement avec le caractère monopolistique: facilité à avoir des
formations, des conseils, "évidence" des solutions choisies. Là encore, Microsoft et Adobe ont réussi dans
ce domaine, tandis qu'Apple a réussi ce tour de force avec l'iPhone dont les
choix d'ergonomie, qui étaient sûrement judicieux, sont aujourd'hui des
"évidences".
3.
Monopole de réseau
(social)
Un cran
plus moderne, le monopole de réseau est le combat d'aujourd'hui pour accéder au
client. Il est du même niveau que le précédent, mais l'investissement du
"consommateur" est dans la construction de son réseau et de son
contenu et non de sa compétence. Facebook, Google +, MySpace, Skype, Twitter,
LinkedIn, BBM, Flicker… tous les sites de publication convergent vers des
fonctionnalités communes: un identifiant, un réseau (des amis, qu'il faut
contacter, classer, etc.), des communications publiques (statut,
"like", etc.), des communications privées (messageries), des contenus
(photos, musique), des applications, etc. L’internaute peut difficilement
publier sur de nombreux supports, et en suivre autant. De l’autre côté, l'enjeu
du réseau est d'avoir une fidélité et une connaissance des adhérents pour
pouvoir leur "offrir" de la publicité, et de re-créer un monopole de
plateforme via les applications (jeux sur Facebook…) qui pourra être monétisé.
4.
Monopole de
recommandation, basé sur la connaissance client
Le
dernier monopole, moins visible, est la recommandation. Il y a deux façons de
faire des recommandations : soit je vous pose des questions, soit je
connais déjà vos préférences. La deuxième est plus rapide, et souvent plus
pertinente. Mais pour connaître, il faut être identifié, et du temps. D’où un
certain monopole « naturel » là encore. Si vous cherchez des recommandations
cinématographiques, vous avez intérêt à aller toujours sur le même site pour
noter vos gouts. Et l’enjeu de coupler la recommandation à la vente est
évident, pour le vendeur comme pour l’acheteur. Coup d’après, si le vendeur connait
vos gouts cinématographiques, il a de bonnes chances de pouvoir vous conseiller
des livres, voire de la musique et ainsi de suite, grâce à la segmentation et
la recommandation croisée. Amazon a fait son succès dessus. Quant à Google, sa stratégie
est de proposer des services nécessitant une identification (Gmail) pour
pouvoir connaitre l’internaute et ainsi proposer des résultats affinés et des
publicités ciblées lors des recherches « simples ».
Alors, monopole naturel, bénéfique ou insupportable ?
Ce qui
est intéressant, c'est que tous ces monopoles sont à la source dans l'intérêt
du consommateur: du service public de la poste à Facebook, monopole signifie
efficacité, du moins en théorie.
Les
risques ne sont pas nouveaux, ils s'expriment juste différemment. Une dérive
classique est l'inefficacité pour cause de non concurrence. Cette dérive est
moins susceptible d’arriver aujourd’hui en raison de l’ouverture et de la
mondialisation de l’internet. L’autre risque est bien évidemment l’abus de
position dominante.
Laissons
les questions légales à nos amis juristes, mais l’abus est caractérisé
notamment lorsqu’il y transfert d’un
monopole à l’autre : j’accepte le monopole de Microsoft sur les OS
(monopole 1) mais lorsqu’il me pousse fortement son moteur de recherche
(monopole 4) ; ça ne devient plus supportable. J’accepte de me connecter à
Google pour bénéficier des monopoles 3 ou 4, mais lorsqu’il me pousse son
navigateur (monopole 1), ce n’est plus acceptable.
1 :
source wikipédia